67 km sur la Voie Verte de la Suisse Normande

C’est un peu tardivement, samedi, que je décide de partir en pédicycle vers Thury, car il est déjà midi. Le temps se lève et la promesse d’une après-midi ensoleillée décuple l’impatience que j’ai à repartir en virée, depuis la mémorable expérience avec Tarmac Terror. En Normandie, il faut savoir saisir sa chance, quelles que soient les occupations en cours.

Je commence à avoir couvert une grande partie du réseau Voie Verte au départ de Caen. Aux abords de la capitale régionale, il est en parfait état, depuis peu. Le bon citoyen caennais aura pu constater combien les événements commémoratifs de 2014 ont fait miraculeusement avancer les grands travaux urbains. En effet, qui ne mettrait pas son site à jour à l’annonce d’une petite visite de Barack ! Nous avons donc maintenant une gare flambante neuve, un château totalement réaménagé, des signalétiques urbaines à jour, des pistes cyclables améliorées et allongées, etc.

Le développement de ces itinéraires verts s’inscrit dans le projet national SN3V (Schéma National des Véloroutes et Voies Vertes) qui vise à équiper le pays d’un réseau de routes cyclables dédiées. Un programme d’équipement lui-même encouragé par l’AEVV (Association européenne des Voies Vertes), et qui soutient au niveau européen une politique des déplacements qui :

– préserve certaines infrastructures du domaine public (voies de chemin de fer désaffectées, chemins de halage…)

– encourage le transport non-motorisé

– est attentive au développement durable, à l’environnement, l’équilibre régional et l’emploi.

C’est donc un véritable maillage régional, national et transnational qui s’élabore d’année en année (avec une France relativement retardataire par rapport à ses partenaires européens, notamment du nord), et qui rallie aux pistes locales les 14 Véloroutes européennes (aujourd’hui 45 000km, 70 000km lorsque complètes). On peut ainsi, en territoire français, pédaler le long d’une des six EuroVelo routes qui le traversent.

Vous vous en doutez, La Trottineuse ne restera pas longtemps éloignée de ces chemins de grande envergure !

En attendant, c’est donc sur le tronçon ouvert de la Voie Verte de la Suisse Normande que je m’élance, équipée d’un sac que j’ai chargé cette fois un peu plus, afin d’évaluer la configuration footbike + sac à dos, d’1 litre d’eau répartie entre bidon sur cadre et sac, quelques vivres, un livre, quelques outils de maintenance, un sweat en cas d’imprévu. Toujours pas de casque, et je le regretterai en milieu de parcours, contrainte par la prudence de ne pas dépasser les 34km/h en descente.

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J’ai un peu forcé la dernière fois sur une courte sortie en début de parcours, et veux éviter tout froissage de muscle à froid. Je débute donc doucement, le temps de m’échauffer, et suis rassurée de voir qu’il n’y a plus de douleur au moment du kick gauche. Il me faut environ 10km pour sentir que je suis en mode « optimal ».

Le début de parcours se fait en douceur, je m’arrête aux points historiques proposés tout au long du tracé.

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Je serpente sur un chemin agréablement aménagé, et croise régulièrement la voie ferrée qui m’accompagnera jusqu’à Thury. J’en profite pour tester les positions à tenir pour soulager l’avant du footbike en cas de chocs, et voir, pourquoi pas, si je peux mettre au point une technique pour le soulever et éviter de racler la planche en cas de petits obstacles. Ce n’est pas encore tout à fait ça !

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Il fait très beau, avec un petit vent frontal qui ne me gêne pas trop, la route est vraiment plate et j’avance à une moyenne de 18km/h.

On sent la présence de l’Orne à tout instant, le bruissement de la végétation omniprésente se mêle aux légers ronflements des ruisseaux. Il y a ça et là des vestiges industriels qui donnent une note un peu surréaliste à ce trajet longiligne, peu fréquenté à cette heure, à ma légère surprise.

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Deux cyclistes mangent à l’orée de ce que j’identifie comme une grande cascade plate, à défaut de nom technique. Je m’y arrête quelques instants, profite du paysage et de l’ambiance, m’hydrate. Je fais dorénavant attention à boire régulièrement, avant de sentir la déshydratation, pour éviter la chute dans le trou noir infernal de la sensation de soif. Et je mange aussi quelques fruits secs. J’ai l’impression de prendre beaucoup de précautions, mais en fait, je ne sais pas encore où le footbike va me porter, j’espère faire une boucle pour éviter un aller-retour rébarbatif. N’ayant pour carte qu’un petit fascicule de la région qui décrit le tronçon en état. J’aime bien partir à l’instinct, mais je réaliserai que pour les grands trajets, il faudra sans doute être plus prévoyante et repérer les itinéraires bis, car côtoyer les voitures sur de grands axes avec ce deux roues particulier est tout à fait désagréable.

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Il n’est pas abusif de dire que cette vallée de l’Orne est une vraie carte postale normande. C’est plaisant, mais pourrait vite devenir monotone, avec ces très longues droites bordées d’arbres, qui isolent de toute vue d’ensemble. Je croise des maisons typiques, et régulièrement, des sortes d’abris de gardiens numérotés, probablement des vestiges de la voie ferrée alors en activité.

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Je rencontre un jeune chat qui semble profiter pleinement de son week-end, nullement effrayé par les touristes qu’il doit voir passer toute la journée.

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Arrivée en Forêt de Grimbosq je suis assez tentée par un écart en tout terrain, mais je vais finalement réserver ça pour une exploration avec de la compagnie. Si je m’aventure en forêt à cette heure, je ne pourrai pas effectuer la boucle que j’ai en tête depuis le début. Et puis mes pneus TC risqueraient d’être un peu légers. Je préfère éviter une crevaison à 20 km de Caen, sans rustine ni roue de secours !

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Assez vite, me voici à bonne distance de Caen, et déjà si près de Thury Harcourt. Les panneaux en bois du GR et les indications de la Voie Verte ne se recoupent pas tout à fait, et le compteur au guidon donnera plutôt raison à la véloroute.

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Passant à proximité d’une auberge accueillante, j’en profite pour héler le chef que j’aperçois par la fenêtre ouverte en cuisine, et lui demande de remplir mon bidon d’eau. Opération que je réitérerai au retour, jamais trop prudente. Le personnel de l’Auberge du Pont de Brie est charmant, et chaque fois il exaucera mon souhait avec grand plaisir !

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Les abords sont propices à une pause ravitaillement, et je m’installe sur une table en bois, bordée de rails fleuris. Je suis contente de croiser à nouveau un couple de cyclistes en plein déjeuner, et un groupe de rollers. L’échange ne s’engage pas, ce qui est rare avec le footbike, mais je sens les regards curieux en repartant de bon pied, après quelques étirements du dos et des bras. J’ai constaté à l’arrêt que le sac, bien que léger, pèse insidieusement, et, dans l’optique de voyages avec un minimum de matériel, je m’orienterai sûrement vers un porte-bagage arrière pour pouvoir l’y fixer. Je pense éviter la configuration remorque, même légère, car je suis vite frustrée lorsque la vitesse ralentit, et ajouter une roue ne fera que diminuer le potentiel d’avancée satisfaisant.

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Avec le vent de front et un faux-plat montant sur l’entièreté des derniers kilomètres, les roues tournent à 15km/h, et l’effort est soutenu. Je ne suis pas mécontente d’arriver en vue de Thury. Je croise pas mal de piétons, qui me semblent courageux à s’élancer sur des dizaines de kilomètres sur un parcours qui me paraît de plus en plus monocorde. J’aime bien la variété des chemins, ou l’impression d’explorer en ayant à choisir aux intersections, être surprise par des obstacles ou des événements inattendus, des changements de rythme ou de paysages. Je suis donc ravie d’arriver à l’arrêt provisoire de la Voie, et de me retrouver face à un tunnel, dont la pancarte de signalement me fait sourire. Il faut circuler en silence pour ne pas déranger les chauves-souris qui nichent là-dedans. Et les travaux sont au point mort pour ne pas nuire à l’hibernation des roussettes, l’aménagement du tunnel ne se fera qu’au printemps 2015 ! Obama n’a qu’à bien se tenir…

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J’ai hâte d’observer les centaines de petits volatiles nocturnes annoncés. L’entrée et la pratique de ce passage creusé dans la roche sont assez saisissants, avec un contraste entre jour et nuit si typique des galeries souterraines. Il y règne une atmosphère ancienne et texturée, et je comprends pourquoi de petits animaux peuvent choisir d’y nicher pour l’hiver. J’aurai beau observer, pourtant, je n’ai pu en repérer aucun.

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Je suis donc à présent hors du sentier battu, et je compte traverser Thury Harcourt vers l’est direction Croisilles pour entamer la seconde partie du tour me ramenant vers Caen, par les routes pour véhicules motorisés, car il y a peu de pistes cyclables ici. J’espère pouvoir emprunter des voies alternatives à la départementale.

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Cela commence fort, avec un dénivelé de 100 m sur 2 petits kilomètres. Seule route disponible, la départementale, et pas vraiment d’aménagement piéton. Je marche donc à vive allure sur le côté, m’interrogeant sur le moment propice pour remonter sur le board.

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Après quelques essais peu fructueux, j’avise une voie moins fréquentée vers mon objectif temporaire. Avec une vue dégagée et un vent de côté qui me rafraichit, la pente n’en est pas moins épuisante, entre 4 et 7 % sur 1 km. L’inconvénient des Voies Vertes est qu’on ne peut s’entraîner à la grimpette, puisque leur profil est exclusivement plat (dans la région en tout cas). J’en profite donc pour tester ma résistance, partagée entre légère panique à la perspective des itinéraires-défis que j’ai en tête pour l’avenir, et détermination à améliorer ma technique. Il faut s’adapter, je change de pied tous les 3 kicks, en utilisant la méthode « flying dutchman » (changement de pied en une fois en sautant légèrement), mais, si cela passe très bien du pied gauche au pied droit, l’inverse est un échec. Avant d’avoir pu en identifier la cause et progresser, j’arrive près de l’église du village. Je salue rapidement deux personnes âgées confortablement installées en voiture, et qui semblent sourire largement en m’observant.

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A présent, il n’y a plus guère d’indicateurs routiers, et je sens que le risque de me retrouver sur la départementale est grand si je pousse trop à l’est. Je demande conseil à un homme occupé au jardin d’une belle demeure tranquille, et celui-ci, qui connait bien la région, me déconseille à la fois la grand route qu’il pratique tous les jours, fort désagréable pour les vélos, et les petites routes qui sillonnent sur un relief très vallonné ! D’après lui, mieux vaut reprendre la Voie Verte en sens inverse. Je suis déçue, car je n’ai aucune envie de tracer à nouveau sur ces kilomètres qu’il me semble connaître maintenant par coeur. Mais à parcourir les quelques kilomètres suivant, en redescendant dans la vallée à grande vitesse (le casque me manque !), je réalise que l’entreprise d’une boucle vers Caen n’est pas très raisonnable, si je ne veux pas rentrer à minuit, à bout de forces, et au milieu des voitures.

Je me fais à l’idée, la perspective d’un vent de dos et du faux-plat descendant me réjouissant un peu. Normalement ça devrait aller plus vite, et facilement. Le temps de reprendre l’itinéraire après quelques errements dans les environs, et la rencontre d’un autre rouleur cherchant à attraper la VV en cours, transportant une baguette sur le guidon, me voici de retour à longer l’Orne. Je recroise même quelques piétons qui me reconnaissent et nous rions de ces répétitions.

Les derniers kilomètres sont cependant assez durs. Je sens la fatigue m’envahir d’un coup, et le dos commence à souffrir de cet exercice répétitif. Les poussées sont moyennement efficaces, je manque grandement d’énergie. Je réalise que ce genre de moment risque d’arriver régulièrement après de bonnes journées d’effort, et qu’un peu de musique serait un bon moyen de retrouver de l’élan. Les cuisses fatiguent sérieusement, je ne lève plus très haut le genou, et même les mains au guidon s’ankylosent.

Heureusement, plus j’approche de l’agglomération, plus la densité en monde augmente, nous sommes en fin d’après-midi un samedi, et les sorties en famille, avec chiens et rollers vont bon train. Un peu de divertissement, quelques exclamations d’enfants et d’adultes surpris par l’engin suffisent à me motiver, et puis la perspective de la fin proche, avec le bon bain auquel je me suis mise à penser !

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Bilan de l’expédition :

– 67km en 5 heures, avec beaucoup de vent, ce n’est pas trop mal pour une troisième sortie « randonnée ».

– Dans l’optique d’évaluer la capacité moyenne à la journée sur des trajets au long cours, il faudra que je programme une virée avec départ en matinée, et mieux préparer le parcours, pour éviter les allers-retours similaires.

– Les coups de mous peuvent être assez soudains, et c’est le mental qui prend le relai à ce moment-là.

– Je me dirige vers une configuration de voyage : « randonnée légère sac-à-dos sur porte-bagage ».

– Il va falloir travailler les montées !

– Le soir fut assez déprimant, le corps mis à rude épreuve, j’avais l’impression qu’il serait très difficile d’enchaîner plusieurs jours de pratique. Mais une sortie de 30 km vers la mer le lendemain m’a entièrement rassurée.

Prochain objectif, rouler sur quelques jours avec nuits en extérieur. Selon le matériel que j’aurai alors, en bivouac ou bien à l’hôtel. Un tour de littoral vers la Bretagne ou vers le Nord-Est, les aménagement de l’EuroVelo 4 (EV4 Centre Europe) qui longe les côtes de la Manche ne sont cependant pas bien avancés en Normandie.

Stay tuned :)

 

14 (Thanks, keep going !)

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